Il n'y a pas si longtemps, posséder une messagerie électronique était un privilège réservé à quelques heureux élus. Aujourd'hui, c'est devenu une nuisance qui coûte des millions aux entreprises. Non seulement nous vérifions notre boîte de réception bien plus souvent que nous ne le croyons, mais ces interruptions sont plus néfastes que prévues.
Dans une étude menée l'année dernière, le Dr Thomas Jackson, de l'université de Loughborough (Grande-Bretagne) a établi qu'il fallait environ 64 secondes pour retrouver le cours de ses pensées après avoir été interrompu par un email. Les personnes qui vérifient leur messagerie toutes les cinq minutes perdent ainsi 8 heures et demie par semaine à essayer de se rappeler ce qu'ils pouvaient bien faire les minutes précédentes.
On pense généralement que les emails ne causent pas de réelles interruptions, parce que le destinataire peut choisir à quel moment il vérifie sa boîte de réception et répond aux messages. Ca n'est pas le cas. Au contraire, comme l'a découvert le Dr Jackson, les personnes ont tendance à répondre aux messages au fur et à mesure de leur réception. Lorsqu'un signal les prévient de l'arrivée d'un nouveau message, ils ouvrent celui-ci dans un laps de temps moyen de 1 minute et 44 secondes. 70% des signaux d'alertes provoquent une réaction dans les six secondes. C'est plus rapide que de répondre au téléphone avant la troisième sonnerie.
A celà s'ajoute le temps que les personnes consacrent à la gestion de leur boîte de réception. Selon une étude de 2006, basée sur les habitudes de 250 utilisateurs, 56% d'entre eux y passent plus de deux heures par jour. La plupart se sentent submergés par leurs emails (en janvier 2008, 38% des personnes interrogées recevaient plus de 100 emails par jour), qui les empêchent de se livrer à d'autres activités.
Une équipe de chercheurs écossais a mis à jour un fait intéressant : bien que 65% des personnes interrogées disent vérifier leur messagerie toutes les heures et 35% tous les quarts d'heure, ils le font en réalité bien plus souvent : toutes les cinq minutes à peu près. Pour certaines personnes, vérifier leur messagerie n'est plus un acte délibéré, mais une compulsion, dont ils sont à peine conscients.
Tom Stafford, co-auteur du livre Mind Hacks, établit un parallèle entre les joueurs compulsifs et les utilisateurs de messagerie. Ce sont les mêmes mécanismes d'apprentissage qui sont impliqués dans les deux situations. Les machines à sous et les emails suivent un schéma appelé 'renforcement à intervalle variable'. Il se trouve que ce type de renforcement est une des façons les plus efficaces d'ancrer une habitude chez quelqu'un.
«Cela veut dire que, plutôt que de récompenser une action chaque fois qu'elle se produit, vous la récompensez de temps en temps, mais de façon non prévisible. Ainsi, quand je vérifie ma boîte de réception, la plupart du temps, il n'y a rien d'intéressant, mais de temps à autre, il y a quelque chose de formidable - une invitation ou un ragot juteux - et j'obtiens une récompense.» Difficile dès lors de résister à la tentation d'aller vérifier sa messagerie, même si l'on vient juste de regarder.
Les entreprises commencent à se préoccuper sérieusement de ce problème, mais se trouvent à court de solutions. L'une d'entre elles avait choisi de ne mettre à jour les boîtes de réception des employés qu'une fois toutes les cinq minutes, mais elle a reçu tellement de plaintes qu'elle a dû revenir à une messagerie instantanée. Les personnes savent qu'il y a des emails en attente et s'échauffent en attendant de pouvoir les lire.
Les journées sans email, instaurées par Deloitte et Intel, se sont avérées inefficaces et ont été abandonnées. Selon le Dr Stafford, elles ne peuvent pas marcher, parce qu'elles n'aident pas les personnes à changer leur comportement lorsqu'elles utilisent leur messagerie.
«Une fois que la messagerie est rétablie, vous allez y répondre de la même manière, à moins que vous ne remplaciez vos mauvaises habitudes.»
C'est pourquoi certains psychologues du travail préconisent la mise en place de recommandations et de formations pour donner aux utilisateurs des moyens de ne pas être submergés par cette nouvelle forme de stress.
Comment garder le contrôle de sa boîte de réception
Si vous vous surprenez à cliquer un peu trop souvent sur le bouton "rafraichir" de votre messagerie, essayez ces techniques :
- Eteignez les alertes. Tout ce qui apparait ou sonne interrompt votre concentration et provoque un stimulus qui vous conduit à aller vérifier votre messagerie.
- Configurez votre messagerie afin que n'apparaissent que le titre et les premières lignes des messages. Vous pouvez ainsi décider facilement s'il est suffisamment important pour devoir être traité tout de suite.
- Utilisez d'autres outils. Twitter ou une messagerie instantanée pour les questions courtes, un Wiki pour collaborer sur des documents, des blogs pour publier des informations.
- Envoyez moins d'emails. Y a-t-il vraiment besoin de cliquer "Répondre à tous" ?
- Planifiez votre temps. Prévoyez un moment chaque jour pour traiter votre boîte de réception et ignorez-la le restant de la journée. La plupart des gens vérifient leur messagerie en arrivant le matin et en fin d'après-midi.
Source : Bluewin.ch